Les années 1960-1970 du cinéma soviétique étaient placés sous le signe de trois réalisateurs : Tarkovski, Paradjanov et Iosseliani. Depuis un quart de siècle, l’horizon cinématographique est dominé par un nouveau trio, Guerman, Sokourov et Mouratova. Cette dernière est relativement peu connue hors des frontières de la Russie et de l’Ukraine. Sa place, dans le trio, est une place à part, ne serait-ce que parce qu’elle refuse catégoriquement de s’inscrire dans le cadre d’un cinéma national. Elle vit en Ukraine (à Odessa), mais réalise des films en russe. Et même si sa renommée est aujourd’hui incontestable, ses films provoquent souvent résistance et désorientation de la part des spectateurs. Elle rompt bien trop brutalement non seulement avec les stéréotypes nationaux, mais également avec la pragmatique traditionnelle de la perception cinématographique.
La liberté avec laquelle Mouratova introduit dans ses films la représentation comme agression est un phénomène unique. Il reflète l’étonnante latitude intérieure de la cinéaste, ne craignant pas de construire ses films sur des éléments qui détruisent son unité formelle et stylistique. Cette liberté de l’hétérogène, de l’incompatible, de l’autoreprésentatif, du moqueur, de l’excessif a rendu les films de Mouratova inacceptables pour la bureaucratie soviétique alors même que ces tendances dans ses films étaient encore à peine perceptibles. Les deux autres réalisateurs du trio des « classiques vivants » d’aujourd’hui, Guerman et Sokourov, ont aussi essuyé la censure et les interdictions, mais personne n’a subi une haine aussi impitoyable du système que Mouratova. Après l’interdiction de leurs films, Guerman et Sokourov continuaient à travailler, alors que Mouratova a été quasiment bannie du cinéma. La cruauté du système exprime à sa manière le potentiel non conformiste du cinéma mouratovien, qui, avec les années (après le retour de la réalisatrice au cinéma), n’a fait que grandir et se radicaliser. L’ouvrage d’Eurgénie Zvonkine, s’appuyant sur un riche matériau archivistique, donne la possibilité de regarder derrière les coulisses du travail mouratovien et de sa lutte et de goûter l’esthétique radicale de la cinéaste.
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